jeudi, février 12, 2015

Souvenir

C'était les vacances et j'étais bien. Formidablement bien. Il faisait chaud, mais pas trop. Et juste assez sec. On aurait dit une scène de film. Ou encore mieux, un scène de livre.

J'étais assise dans un grand hamac tissé, multicolore. Il faisait bon, le vent était juste assez fort pour chasser les moustiques et au-dessus de moi, les feuilles vibrantes des chênes et des érables environnants. Aucun bruit sinon le vent, les oiseaux, les branches qui grincent parfois.

C'était lui qui m'avait amené ici. Je n'étais pas particulièrement enthousiaste. On ne se connaissait pas tellement et, aller me perdre au fond du parc la Vérendrye, dans un chalet inconnu, sans eau ni électricité me donnait cette impression malaisante d'incertitude. Mais j'avais aussi le sentiment que je devais dire oui, que j'étais sur un point de non retour, que mon refus aurait fait s'effondrer la simplicité qu'il y avait entre nous. Et puis, je n'avais pas grand chose d'autre à faire qui en vaille la peine pour les 3 semaines à venir...

J'observais le lac en contrebas. Calme, limpide et turquoise, on aurait pu croire à un lagon du sud. Les jours passaient ainsi. À observer l'eau. À observer les arbres. Sentir le vent chaud où s'y mêlaient parfois quelques flèches d'un froid suprenant. Ici, il n'y avait rien à faire autre que se promener, se nourrir, se baigner. Nous discutions de tout et de rien. Des discussions longues, posées. Souvent dans l'obscurité, à la fin du jour, au moment où on ne sait pas s'il faut allumer les lampes ou s'il faut s'habituer à la noirceur. Ces discussions nous rapprochaient même si parfois elles étaient anodines. On dirait qu'à certains moments, c'est justement ce qui semble anodin qui prend la place. Une sorte de leurre. On pense que cette petite chose, dans notre vie, n'est pas si primordiale mais finalement, à bien y penser, on découvre qu'elle porte tout un tas d'idéaux et d'aspirations sans lesquels on ne serait pas soi-même.

Ce soir là, il y avait du brouillard. Un brouillard épais qui masque tout. La lumière de la lune, les étoiles, les sons. On aurait dit qu'on était projetés dans l'irréel. Je suis sortie doucement sans faire de bruit pour mesurer l'ampleur du mystère. Pieds nus, j'appréciait le contact des aiguilles de pins et du sable. L'air frais était vivifiant. Je suis restée comme ça un moment, sans bouger, à observer là où, selon mes yeux, l'univers s'arrêtait.

Lorsque je suis rentrée, la petite lampe à l'huile vacillait et les ombres qui tremblaient sur les murs donnaient à la pièce un petit air glauque. Je n'entendais rien. Peut-être était-il sorti, lui aussi ? Ce n'était pas désagréable d'être avec quelqu'un envers qui je n'avais pas de comptes à rendre. De n'avoir aucune obligation. Tout était si simple. Chacune de mes relations précédentes s'étaient avérées très prenantes et fusionnelles. La moindre de mes absences, que je trouvait somme toute banale et sans conséquence, provoquait l'inquiétude, le doute, le questionnement. La plupart du temps, je ne savais pas trop quoi dire lorsque cette inquiétude m'étais exposée. Alors je ne disais rien.

Le petit chalet dans lequel nous étions ne comportait que 2 pièces. Une cuisine exigüe où s'annexait un salon confortable et une chambre. J'avais l'impression d'avoir été laissée seule au monde.

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