jeudi, décembre 01, 2016

Souvenir

Je n'ai pas beaucoup parlé avec ce garçon. Je veux dire, des vraies conversations. On a beaucoup papoté, de petites choses de surface. Mais finalement, on ne savait pas grand chose sur nous. Sur ce qu'on est l'un et l'autre.

Bon, peut-être qu'il avait une longueur d'avance, dans un certains sens. Parce que j'arrive quand même assez à exposer mon intérieur à travers des choses insignifiantes. Mais, et là je suis peut être un peu perdue, moi je n'avais pas d'indice.

Et en fait, on ne s'est jamais rencontrés. 

C'est étrange. On s'est pourtant parlés pendant des années ! Environ 3 ans. À un rythme soutenu. Avec des petits récits comme ça, du quotidien. Je lisais ses mots entre 2 cafés, entre 2 examens, entre 2 enquêtes, au travail. Je me suis même déjà esclaffée maladroitement sur une version papier très propre du Journal Le Devoir après avoir lu qu'il avait un collègue qui lui avait parlé de spéculum et qu'il avait entendu spéculoos. La perspective de se mélanger entre cet instrument intrusif frette et un biscuit aux épices m'avais semblé si ridicule !

Un jour, il est parti continuer ses études à Strasbourg. J'étais contente pour lui. Strasbourg. Ça fait partie de mes rêves d'aller y flâner. J'ai même une liste d'adresses où j'aimerais aller. Quelque part, dans un carnet entre 2 réflexions de thèse. Mais quelle chance !

Pourtant... Ça n'avait pas l'air de faire son affaire. Il fallait bien y aller, pour les études, mais bof bof, il n'y avait pas d'exaltation là-dessous. Ah bon ? Comme j'étais surprise. Définitivement surprise. Directement issu d'un milieu économiquement plus que favorisé, il n'y avait pas de contrainte monétaire en vue. Le logement était trouvé, les démarches étaient complétées. C'était quoi, le problème ?

C'était simplement qu'il allait étudier avait une équipe de chercheur dont l'étoile de la recherche était une femme. Et devant tous les propos qu'on avait pu s'échanger, devant tous ces écrits rédigés jour après jour, je n'avais pas compris toute la place occupée par sa misogynie. Quelques échanges plus tard, il n'y avait plus de doute. 

C'est comme si on m'avait arraché l'intérieur.
Quelque part, il m'a assuré qu'il était convaincu que je n'arriverais jamais à faire quelque chose d'intéressant, professionnellement parlant. 

Avec mon café ce matin là, je suis allée me réfugier dans mon bureau. Et j'ai pleuré pendant une bonne demi heure en effaçant notre correspondance.

Aujourd'hui il est médecin.

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